L’histoire de l’apiculture corse et de l’AOP

L’apiculture est une constante de l’histoire de Corse. Dès l’Antiquité et jusqu’à nos jours, l’activité apicole est importante sur l’île. Quasiment toutes les familles possédaient des ruches dont certaines étaient implantées dans les murs mêmes des maisons d’habitation. Ce sont les ruchers « arnaghji » traditionnels. Des vestiges de ceux-ci ont pu être localisés dans le département de la Haute-Corse sur le territoire de la commune de Venaco. Selon les témoignages des descendants des exploitants de ce rucher, celui-ci existait déjà en 1840.

À des périodes de grand dynamisme a succédé une phase de récession due à des pertes démographiques subies lors des différentes guerres, à l’assainissement des plaines au DDT et à une épidémie d’acariose. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’apiculture est quasiment oubliée sauf dans quelques villages.

À PARTIR DE 1976
L’apiculture corse connaît un renouveau et une généralisation des pratiques apicoles modernes avec le mouvement du « Riacquistu » qui engendre la mise en place :

  • d’une formation apicole au Centre de Promotion Social de Corte,
  • des Groupements de Défense Sanitaire Apicole (GDSA) départementaux,
  • d’une association de promotion du miel U Bugnu Corsu,
  • d’une coopérative d’approvisionnement de matériel apicole et de commercialisation, Apa Corsa.

Malgré des débuts prometteurs, les aléas du marché des miels et d’importants stocks de production invendus ont mis en échec ces deux dernières structures qui ont été dissoutes en 1990.

Cependant ces initiatives marquent un tournant :
C’est la période de la reconnaissance de l’apiculture comme activité à part entière avec la négociation de conditions spécifiques pour l’installation des apiculteurs (125 ruches = 1/2 Surface Minimale d’Installation au lieu de 200 sur le continent). La filière décide alors de s’organiser pour lancer les premiers travaux de recherche : caractérisation morphologique de l’abeille écotype corse et constitution d’une palynothèque de référence destinée à la caractérisation des miels de Corse au moyen d’analyses polliniques et organoleptiques.

EN 1982
Au niveau sanitaire, la filière apicole insulaire a obtenu un arrêté ministériel d’interdiction d’introduction d’abeilles et de matériels usagés en provenance de l’extérieur afin d’éviter l’arrivée de Varroa destructor.

Malgré tout, cet acarien parasite de l’abeille se diffuse rapidement en Corse dès 1985.

À PARTIR DE 1991
La naissance du syndicat de défense et de promotion des miels de Corse par un collectif d’apiculteurs visionnaires, mené par Mr Philippe Orsoni-Buisset, marque le point de départ d’une nouvelle ère : celle de protéger ce produit identitaire.

Les travaux de recherche sur l’abeille écotype corse, menés par Mme Marie-José Battesti, sont venus appuyer cette démarche et ont permis de faire de l’abeille insulaire l’un des piliers du cahier des charges du futur signe de qualité. Au sein du CRITT, structure d’appui aux professionnels, les miels de Corse ont été classés en une gamme variétale (Printemps, Maquis de printemps, Miellats du maquis, Maquis d’été, Châtaigneraie et Maquis d’automne) définis à la fois par l’analyse pollinique et l’analyse organoleptique, en fonction des saisons et des étages de végétation spécifiques à l’île.

Ces résultats scientifiques, associés aux nombreuses réunions qui se sont tenues avec des apiculteurs impliqués et les commissions d’enquête de l’INAO, ont abouti en 1998 à l’obtention de l’Appellation d’Origine Contrôlée et Protégée (en 2000), « Miel de Corse – Mele di Corsica ». C’est le premier miel de terroir qui valorise une gamme de produits !

Sous l’impulsion de d’apiculteurs fédérés, un dossier de demande est déposé auprès des services de l’Institut National des Appellations d’Origine (INAO) en 1993.
La Commission d’enquête de l’INAO, suite à sa venue en Corse en août 1994, « propose le principe de l’accession en AOC » et émettra « un avis favorable afin de mieux définir les terroirs et de déterminer si les noms de fleurs ou de régions doivent être étudiées avec la profession ».

L’obtention de ce signe de qualité permet la reconnaissance de la qualité et de la richesse de la gamme variétale du Miel de Corse sur le marché européen et de positionner le produit face à la concurrence.

DÉBUT 2000
Le début des années 2000 amorce le fonctionnement du signe de qualité avec les contrôles des miels et des conditions de production chez les apiculteurs. L’association Miel et Pollen est créée en 2004 pour assurer les analyses en laboratoire dans les locaux de l’Université de Corse. Son activité durera jusqu’en 2007, date de la réforme de l’INAO sur le système de contrôle.

Les travaux sur l’abeille corse se poursuivent avec une seconde caractérisation morphologique, une première caractérisation génétique, et un enrichissement de la banque de référence (palynothèque et miels).

EN 2005
Le syndicat AOC met en place en son sein la station de sélection et de multiplication de l’abeille corse dont les deux objectifs principaux sont la sélection de l’abeille et l’aide à la mise en place des ateliers d’élevage sur les exploitations apicoles.

DÈS 2008
Les contrôles sont effectués par un organisme certificateur extérieur induisant des changements organisationnels et opérationnels importants.

La volonté de développer l’identité et la qualité du produit, mais aussi de mettre en valeur le savoir-faire et de perfectionner les apiculteurs, ont été des moteurs dans l’obtention du signe de qualité. Depuis du chemin a été parcouru : des outils structurants ont été mis en place ; le miel a conquis une place reconnue dans la gamme des produits corses ; des jeunes se sont installés ; des emplois ont été créés.

Aujourd’hui la notoriété du miel Corse génère une demande qui excède la production.